Les identités meurtrières – Amin Maalouf


La notion d’identité m’a toujours fascinée. Le mot “identité” semble être anodin, pourtant il est à l’origine de plusieurs conflits dans le monde et a le pouvoir de remettre en question notre relation avec soi comme avec autrui. Dans les identités meurtrières, Amin Maalouf partage une réflexion très intéressante sur les effets “meurtriers” que peut avoir l’identité lorsqu’elle est réduite à une définition simpliste. Ayant été confronté à plusieurs reprises à la question “Vous sentez-vous plus Libanais ou Français?”, Amin Maalouf défend la pluralité et la richesse culturelle, par opposition à une catégorisation stricte de l’être humain qu’il juge réductrice de la singularité de chacun. L’auteur rejette donc l’idée qu’il est nécessaire de découvrir ou de choisir une seule “vraie” appartenance, “une essence déterminée une fois pour toutes”.

          Selon l’auteur, l’identité ne se compartimente pas : “elle ne se répartit ni par moitiés, ni par tiers, ni par plages cloisonnées ». Chacun est fait d’appartenances multiples : culturelles, linguistiques, religieuses, nationales, politiques, familiales… qui peuvent changer avec le temps sans être forcément soumises à une hiérarchisation. Ce sont bien ces tentatives de dissoudre l’ensembles des composantes qui nous différencient qui créent des affrontements violents visant à affirmer la supériorité d’une identité, à choisir un camp. Nous nous retrouvons alors avec des fractures ethniques, religieuses et politiques qui empêchent de célébrer la diversité dans sa richesse suprême.  Ainsi, l’identité devient meurtrière lorsqu’elle nie sa complexité et impose une séparation entre soi et autrui. Cette pluralité tant redoutée par certains pourrait au contraire être un trait d’union entre toutes les communautés et cultures qui façonnent notre monde.

           J’ai beaucoup aimé cet essai parce qu’il analyse un sujet d’actualité complexe à travers des experiences personnelles de la vie courante. Amin Maalouf donne pour exemple le fait qu’il soit Chrétien mais qu’il ait pour langue maternelle la langue arabe, la langue sacrée de l’Islam, pour montrer que ce que d’autres ont vu comme un paradoxe a été pour lui l’occasion de tisser plus de liens. Les réponses que l’auteur tente de trouver à ses nombreux questionnements reflètent une volonté d’agir pour un monde meilleur et la grandeur de son espoir nous encourage à réfléchir aux divers mécanismes de l’identité qui animent notre quotidien. Lire ce livre m’a permis de comprendre pourquoi un refus de l’altérité peut en partie expliquer sans pour autant justifier l’explosion de crimes commis au nom d’une identité qu’elle soit religieuse, ethnique etc… Au delà du fait que l’auteur nous éclaire sur une notion aussi complexe et importante, ce que j’ai le plus aimé c’est la véritable leçon d’humanité et de tolérance qui nous est offerte et qui me semble n’avoir jamais autant été d’actualité.

Mon extrait préféré:

“Ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c’est que je suis ainsi à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C’est précisément cela qui définit mon identité. Serais-je plus authentique si je m’amputais d’une partie de moi-même?”


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